L’histoire du Colloque

Comment est née l’idée de ce colloque ?

Comme toutes les naissances, d’une rencontre.
Je travaillais comme psychanalyste avec René Frydman à l’Hôpital Antoine Béclère et j’ai été impressionnée par la qualité de sa relation avec les patients et aussi avec les soignants.
Son attitude se différenciait de celle de tous les grands patrons avec lesquels j’avais travaillé pendant mes études de médecine. Il était attentif, ouvert, tolérant.
Ses livres aussi, transmettaient une expérience, le sens de son travail et l’attention particulière accordée aux émotions des patients.
Une appétence d’apprendre et de transmettre. Un goût pour le risque et la soif de découvrir.
D’un autre côté, les compte-rendus, lors des staffs gynécologiques de patients n’abordaient pas assez, à mon goût, l’aspect psychologique et l’impact de l’histoire. L’influence des émotions sur le médical n’avait pas assez de place.
Je restais sur ma faim de réflexion.
Après une réunion où avait été évoquée, un drame comme il arrive parfois dans une Maternité, une patiente avait perdu son bébé juste à la fin de sa grossesse. Nous étions tellement émus par cette tragédie qu’on s’est dit que ce serait judicieux de réfléchir sur le deuil, la représentation de la perte, le renoncement, …l’idée d’un Colloque a pris forme avec celui qui fut notre première édition de GYPSY avec « Mourir  avant de n’être ».

Une autre fois à la fin d’une réunion, nous étions en conflit sur la façon dont un interne avait, sans ménagement, annoncé à une patiente qu’elle faisait une fausse-couche.
L’Annonce nous devenait brutalement un sujet essentiel qui avait une importance fondamentale en médecine et dans la vie.

Qui sait annoncer ?

Que cela veut-il dire pour celui qui reçoit ?

Comment assumer avec responsabilité ce rôle de messager ?

Le colloque « L’annonce faite à Marie, Sarah, Agar » a germé après ces réflexions.

De là, de ces réflexions sont nées ce désir d’aller plus loin dans la compréhension globale du travail captivant que nous faisons. Lui gynécologue et moi psychanalyste.
Un colloque semblait un espace-temps idéal pour éclaircir, approfondir ces réflexions et surtout les partager.

Comment choisissez-vous vos orateurs ?

Essentiellement en s’attachant à trouver ceux qui ont le plus cherché et travaillé sur le thème proposé.
Mais pas seulement, c’est basé sur un profiling pointu, sur ceux qui ont une expertise accompagnée d’une pensée claire, originale, ouverte.
Et surtout qui communiquent une énergie et une joie à transmettre.
Faire souffler un vent nouveau, sans concession par des conférences
de chevronnés accessibles à tous.

L’originalité de nos orateurs tient aussi à leur diversité. C’est une volonté de notre part de les choisir venant de disciplines diverses.
Se côtoient des chercheurs, des médecins, des écrivains, des avocats, des philosophes, des psychanalystes… Tout un monde qui n’a pas l’habitude de travailler ensemble et là qui parlent, polémiquent, et qui vont au delà de leurs divergences d’idées.

Pour préparer le Colloque, nous rencontrons en amont, chacun des orateurs et présidents de séance, au cours d’un déjeuner pour parler de leur exposé et se connaître mieux.
C’est très enrichissant, d’organiser en avance, avec eux, car c’est ainsi que se règle la chorégraphie du Colloque.
C’est comme ça que s’élaborent l’harmonie et la chronologie des conférences.
C’est nécessairement du, sur mesure et c’est une extrême valeur ajoutée à l’événement GYPSY, car cela suscite de la part des orateurs un vrai désir de participer avec enthousiasme et énergie.
Nous demandons aussi aux orateurs, les contenus exclusifs de leurs allocutions matérialisés par un texte qui est écrit spécifiquement pour nous. Textes qui sont édités dans le livre du Colloque qui chaque année ponctuent le Thème du Colloque. Le livre est présent le jour J sur la table du Libraire dans l’enceinte du Colloque, ce qui ne se fait nulle part ailleurs.

Dans quel état d’esprit êtes vous à la fin d’un Colloque ?

On est tellement absorbé et content qu’on a envie de continuer à débattre.
Ce qui est remarquable, c’est qu’on a l’impression qu’on n’a pas tout dit, qu’on n’a pas épuisé le sujet.

On a envie de prolonger le thème, d’en faire une suite l’année d’après. Un Colloque Bis. Et puis on renonce car il y a d’autres thèmes qui nous inspirent…

On a envie aussi de recevoir les impressions de ceux qui sont venus écouter, de savoir s’ils ont été enthousiastes ou déçus par certains exposés. Quelles conférences ont-ils apprécié le plus. Les retours sont pour nous essentiels, pour comprendre ce qui a fonctionné, ce qui a été très écouté, quel sujet parmi le thème proposé à été le plus apprécié.

Et l’idée du nom Colloque GYPSY ?

C’est l’union de nos deux spécialités.
Gynécologie et Psychanalyse.

De cette rencontre de deux spécialités, l’idée nous est venue de les unir et de contracter les deux noms.

Au delà de la réunion de ces deux domaines. Le terme GYPSY est évocateur, il est chantant, grave, énergique. Suggérant aussi dans l’imaginaire, des contrées lointaines, des airs connus, des peuples qui ont fait un long chemin pour arriver en France.
Et nous nous sommes rendus compte que nous avions une histoire et un passé géographique communs.
GYPSY, cette appellation est devenue une évidence parce qu’elle implique une dynamique, un désir et un plaisir à transmettre.

Vous évoquez régulièrement que ce Colloque est particulier, y’a t’il un esprit GYPSY ?

Au départ, le Colloque proposait un thème qui était décliné selon son lien à la gynécologie, la maternité et la psychologie. On s’attachait pour l’évènement, à trouver des spécialistes dans ces domaines qui ne parlaient que de leurs points de vue. C’était presque trop, un entre soi, gynécologues et psychanalystes, psychiatres, psychologues même s’il y a eu des beaux colloques Gypsy comme « Cherche Bonheur désespérément ! », « Mourir avant de n’être ? », « l’Annonce faite à Marie, Sarah, Agar ».

A partir ce ces réflexions, nous avons eu à coeur d’élargir le champ des thèmes choisis et d’ouvrir la discussion à d’autres experts avec en tête, l’idée que ce partage d’idées stimulerait et enrichirait nos connaissances et celle des participants. Mais comment ?
Et puis, un soir lors d’un dîner, j’écoutais la conversation à bâton rompu, un thème, assez inspirant se déroulait autour de la notion de temps : la question était, le temps est-il celui indiqué par nos montres ? La tablée comprenait entre autre, un philosophe qui lance : un jour va t’on trouver la vérité du temps ? Un écrivain enchaine et évoque son désir d’immortalité, une actrice très passionnée évoque sa peur de vieillir, un tatoueur se demande comment évolueront ses tatouages sur sa peau ? Chacun y allait de son point de vue, tous s’opposaient, se contredisaient, s’accordaient dans une ambiance riche et chaleureuse.

Nous nous sommes demandés avec René, à quoi ressemblerait un Colloque équivalant à cette « grande table » où nous mélangerions des experts venus d’horizons différents ? Ce qui ressortait de ces idées échangées et multidisciplinaires étaient beaucoup plus passionnant que n’importe quel Colloque fait par des savants d’une même spécialité.

L’idée était née d’un Colloque plus démocratique et plus ouvert à tous.
Aujourd’hui le cœur de notre aspiration, n’est plus d’assembler et d’enchainer des prestations de « sachant », Aujourd’hui, c’est de jouer avec les identités, les différences, les opposés. Et d’avoir une vision holistique sur le sujet.

En quoi ce Colloque est-il différent ?

Le parti pris d’ouvrir à la multidisciplinarité et de faire appel à des orateurs d’horizons totalement différents est en soi une distinction par rapport aux autres Colloques.
Une volonté d’offrir la parole à ceux qui sont des experts, de les faire volontairement plancher sur un thème inhabituel mais cependant lié à leur pratique. Réfléchir autrement à leur fonction.
Par exemple quand nous faisons intervenir le Professeur Gabriel Steg, chef de service de cardiologie sur le thème de « L’Intimité », c’est à priori loin de ses préoccupations. Et pourtant, il a fait un exposé incroyable…
« Ce que j’ai connu de plus intime, c’est un regard. Le regard d’un patient qui était en arrêt cardiaque et qui était en train d’être réanimé par l’équipe médicale et qui reprenait connaissance sous l’effet du massage cardiaque et qui au moment où il a repris connaissance nous a vu au-dessus de lui, en train de lui faire un massage cardiaque, mais qui dès que nous arrêtions le massage, reperdait connaissance. Ce regard d’un patient qui, réanimé, redevenait sujet pour quelques secondes à chaque fois, a probablement compris ce qui lui arrivait mais a reperdu connaissance à plusieurs reprises et que nous n’avons finalement pas pu sauver, je le vois comme le partage vertigineux d’une intimité ».

Des artistes, des écrivains, des réalisateurs, des architectes, des avocats, tout un monde qui n’a pas l’habitude de travailler ensemble se retrouve au sein de ce Colloque dans des discussions ou des dialogues énergiques et stimulants.

Fabrice Midal, philosophe, a fait au sein du Colloque sur « L’Intimité » un exercice de méditation interactive avec la salle, il était accompagné d’une violoniste Anna Göckel, « L’écoute d’une musique interprétée par la violoniste suivie d’une séance de méditation guidée par Fabrice. Puis après cette séance, la violoniste jouera de nouveau…. Et la seconde écoute se révélera très différente de la première ». Façon d’illustrer comment la méditation transforme aussi le rapport à la musique et à la culture.
Le mélange des gens et des genres, une liberté d’expression inhabituelle, tous se rencontrent et échangent des idées, comme nulle part ailleurs, au cours de ces journées privilégiées de Colloque GYPSY

Dr Muriel FLIS-TREVES

est Psychiatre, Psychanalyste, membre de la Société Psychanalytique de Paris.

Attachée à l’hôpital Necker, Institut Imagine.

Enseignante à l’Université Paris Descartes.

Pr René FRYDMAN

est Professeur de médecine Gynécologique accoucheur, spécialiste de la reproduction Humaine.
Il a contribué à développer en France l’assistance médicale à la procréation.

Ancien membre du comité national d’éthique.

Consultant à l’hôpital Foch.

Retour en haut