La vie parfois bascule, insidieusement, violemment.
La vie parfois bascule joyeusement, par choix.
Basculer, c’est être bousculé dans ses certitudes, ses fragilités, son corps.
C’est être contraint, à se mettre en pause ce qui déclenche un sentiment d’exclusion et de déconstruction.
C’est aussi à l’inverse, se décider intentionnellement à emprunter la bifurcation qui se présente à soi.
C’est rompre avec hier, s’effondrer ou se recomposer. Se réinventer. Changer de route.
La vie de couple, de famille, le travail, la santé, les guerres, la mort nous confrontent à notre vulnérabilité.
Les violences sociales, les menaces terroristes, le défi climatique alarment. La brutalité de la crise sanitaire qui astreint à des ruptures temporelles, à des limites incertaines, impose un présent radicalement différent du présent ordinaire.
De tels chocs paralysent ou boostent les envies de changements de vie, professionnels, de statuts.
Certains réagissent, y voient des occasions d’heureux rebonds, s’ouvrent à de nouvelles perspectives, y puisent l’énergie d’échapper à une destinée imposée.
D’autres encore se protègent de tous tumultes, cramponnés à l’idée que, non « rien ne changera ». Refusent de voir.
Ces bascules sont inéluctables, aucune vie n’existe sans ruptures. Mais que nous révèlent-elles sur notre identité ? Est-elle donnée une fois pour toutes ? Où est-elle en butte elle aussi à la discontinuité ?
Que nous enseignent-elles sur notre capacité à se réconcilier avec l’impermanence ? Sur la conscience de notre précarité ? Sur notre désir de lucidité ?
Paradoxalement, c’est dans ces cassures où l’on prend conscience de sa vulnérabilité que l’on mesure sa détermination, sa combativité, son instinct de survie. En nous mettant face à ce que nous ne sommes déjà plus.
Et face à ce que nous sommes en train de devenir.
Muriel Flis-Trèves